C’est dans leur atelier, niché au bord du halage, que le couple nous accueille : un cadre paisible, presque hors du temps, où l’on comprend vite que le vélo n’est pas qu’un moyen de transport, mais un véritable art de vivre. Ici, on pédale vers l’essentiel. À leur rythme, Amandine et Vincent ont bâti un projet à leur image : simple, engagé, profondément humain. Un projet né d’un voyage, mûri par l’expérience, et porté par l’envie de faire bouger les lignes.
Amandine et Vincent se rencontrent au lycée, en 2001. Amandine s’oriente d’abord vers des études de lettres. Elle explore différentes expériences puis trouve peu à peu sa place dans le métier d’assistante commerciale, où elle peut exprimer ce qui la caractérise profondément. Amandine appartient à ces personnes solaires, intuitives, avec un sens de l’accueil presque instinctif. Son sourire est facile, son regard attentif. Chaque moment de complicité est ponctué par un éclat de rire communicatif, qui révèle sa joie de vivre et sa capacité à rendre les relations simples et authentiques. Vincent s’oriente vers les métiers du marketing et de l’économie-gestion. Curieux, engagé, il poursuit des études solides et intègre ensuite des entreprises reconnues à Paris. Responsable marketing, il évolue dans des environnements exigeants, dynamiques et porteurs.
En 2011-2012, ils partent pour un premier grand voyage : 13 mois avec leur sac à dos pour traverser l'Amérique latine, l’Australie, la Nouvelle-Zélande jusqu’à Bali. L’aventure et le voyage deviennent un déclencheur. Ils y puisent une qualité d’attention différente, une nouvelle façon de gérer le temps, un profond sentiment de liberté. Surtout, ils y font l’expérience d’un développement personnel qu’aucune formation n’aurait pu leur offrir : apprendre à vivre avec peu, à s’adapter, à prendre soin l’un de l’autre et à accueillir l’inattendu.
Mais revenir n’a rien d’un retour en arrière. L’expérience du voyage continue de résonner en eux, comme un fil intérieur. En 2015, Vincent prend en charge la stratégie marketing et communication, en portant la voix d’un constructeur de camping-cars mayennais. Mais au fil des années, un sentiment de décalage s’installe : entre ses aspirations profondes et la réalité de son quotidien professionnel, quelque chose ne colle plus. Vincent ressent le besoin d’une autre dynamique : plus concrète, plus alignée avec ses valeurs et son besoin d’autonomie. L’envie de cohérence, de sens, devient plus forte que la promesse d’une carrière bien tracée. Ce qu’il cherche désormais, c’est un projet de terrain, tangible, dans lequel il pourrait mettre à profit ses compétences tout en retrouvant de la liberté d’action.
En 2022, dix ans après leur premier périple, le besoin de repartir se fait sentir, cette fois avec leurs deux enfants. Partir en vélo est une évidence. Ils se lancent donc dans une nouvelle aventure. Amandine et Vincent s’élancent pour six mois d’itinérance en famille, sur les routes d’Europe du Nord, avec leurs vélos et une remorque. Là encore, le mot qui revient, c’est "évasion" – mais dans son sens le plus complet : sortir d’un cadre, d’un rythme imposé, pour retrouver une cohérence entre leurs valeurs, leurs choix éducatifs et leur rapport aux autres et à l'environnement.
Ce périple n’est pas une parenthèse, c’est un révélateur. Le projet des Petits Guidons émerge progressivement pendant ce second voyage. Ils ne le formalisent pas tout de suite, mais l’idée s’impose : pourquoi ne pas mettre leur expérience au service d’autres familles, d’autres publics, en créant un projet entrepreneurial ? Ils choisissent de poser leurs sacoches en Mayenne. Dès leur retour, Amandine et Vincent s’attèlent à structurer leur idée. Le voyage leur a donné l’élan, mais aussi la clarté nécessaire pour poser les premières lignes directrices. L’un des fils rouges du projet, c’est cette idée de déplacement au sens large. Changer de point de vue, sortir du cadre habituel, s’autoriser à se déplacer autrement. C’est ce que Vincent appelle « faire un pas de côté ». Et dans un monde saturé d’informations, d’écrans et de vitesse, cette proposition prend tout son sens. En ralentissant, en simplifiant, on recrée de la place pour se reconnecter au monde qui nous entoure.
Ce qui rend leur approche singulière, c’est qu’ils ne se positionnent pas en experts théoriques. Ils parlent de ce qu’ils ont vécu, expérimenté, questionné. Ils réajustent leur projet et choisissent de poser leur cadre dans un lieu à leur image : naturel, accueillant, propice aux rencontres. Le halage est une évidence. C’est à Saint-Jean-sur-Mayenne qu’ils installent leur local, un atelier-café où l’on peut faire réviser son vélo, en louer un pour la journée, ou simplement s’asseoir pour rêver de sa prochaine échappée.
Au fil des mois, l’entreprise Les Petits Guidons devient un espace de croisement entre la location, la vente et la réparation de vélos. L’expression "alignement de planètes" revient souvent dans leur discours. Comme une manière de dire que rien ne s’est imposé de force, mais que tout s’est construit avec cohérence. Le voyage n’a pas seulement changé leur regard, il a transformé leur rapport au monde. Et aujourd’hui, ils souhaitent ouvrir cette voie à d’autres.
Certains diraient qu’Amandine et Vincent ont les mains sur le guidon et la tête dans les idées. Leur projet, Les Petits Guidons, ne se limite pas à un lieu ou à un commerce : c’est une dynamique, une façon d’envisager la mobilité comme un levier de bien-être, d’écologie et de lien social. Ils ouvrent une nouvelle voie avec une offre pensée pour les professionnels. Dans le monde de l’entreprise, ils proposent des solutions concrètes et adaptées. Le vélo de service, ou vélo partagé, est mis à disposition des équipes ou de l’ensemble d’une structure. Tous les coûts sont entièrement pris en charge par l’employeur. C’est simple, pratique, et cela donne donc envie de bouger autrement. Autre option : le vélo de fonction, un vélo personnalisé que le collaborateur choisit selon ses besoins – taille, couleur, capacité de chargement. Ici, les coûts peuvent être partagés entre le salarié et l’entreprise. Une manière souple et engagée de réconcilier travail et plaisir de se déplacer.
Cette liberté de choisir, c’est l’ADN des Petits Guidons. Amandine et Vincent sélectionnent chaque vélo avec soin : des modèles confortables, robustes, prêts à accompagner les déplacements du quotidien comme les escapades du week-end. Vélos urbains tout confort, gravel pour sortir des sentiers battus, VAE (vélo à assistance électrique) pour aller plus loin sans effort : il y en a pour toutes les envies et tous les budgets.
Ils collaborent avec des collectivités, des associations et des entreprises Leur démarche est collaborative par essence : ils développent des partenariats avec d’autres entrepreneurs, artisans et producteurs, convaincus que les réponses durables naissent de l’intelligence collective. Parmi les projets qu’ils accompagnent, celui du Lièvre à Vélo, lancé à Laval, illustre parfaitement leur vision. Grâce à deux vélos cargo, Charles-Antoine Lelièvre assure des livraisons en dernier kilomètre pour des restaurateurs engagés dans les circuits courts et collectent les biodéchets des établissements pour les valoriser avec Les Pieds sur Terre, entreprise de Craon spécialisée dans le compostage local. Une boucle vertueuse et concrète. Leur engagement prend aussi une dimension sociale, notamment à travers une collaboration avec Horizon 53. Quatre vélos sont ainsi mis à disposition de personnes en insertion, afin de faciliter leur mobilité sur Laval Agglomération et de lever un frein majeur à l’accès à l’emploi. Une action simple en apparence, mais qui change tout pour celles et ceux qui en bénéficient.
Pour faciliter et optimiser leur offre, Amandine et Vincent disposent d’un atelier mobile. Que ce soit pour un particulier ou pour une flotte de vélos en entreprise, l’objectif reste le même : faciliter la mobilité à vélo au quotidien en garantissant un niveau de service équivalent à celui qu’on attendrait pour une voiture. Entretien régulier, réparations, réglages… Vincent se déplace avec tout le nécessaire pour assurer la fiabilité et la sécurité des vélos, directement sur site. C’est une manière concrète de lever les freins à l’usage, de rassurer et d’accompagner sur la durée. Car un vélo bien entretenu, c’est un vélo qu’on utilise avec plaisir et en toute confiance. Là encore, Amandine et Vincent font le pari du service de proximité, sur-mesure, et pleinement engagé pour une mobilité durable.
Enfin, Les Petits Guidons, c’est aussi une offre d’animation en entreprise, pour sensibiliser, tester, échanger. Amandine et Vincent proposent la mise à disposition de flottes de vélos en location courte durée, afin de permettre aux équipes de tester différentes formules en conditions réelles, sans engagement. Ils animent également des conférences et des temps d’échange autour de la pratique du vélotaf (vélo + travail), avec un objectif clair : casser les idées reçues, faciliter la médiation entre employeurs et salariés, et rendre cette pratique accessible à tous. En 2024, leur engagement est reconnu par l’obtention du label Objectif Employeur Pro-Vélo (OEPV). Ce label, porté par la Fédération des usagers de la bicyclette, valorise les entreprises qui s’engagent concrètement pour favoriser la pratique du vélo auprès de leurs salariés – en matière d’équipements, d’organisation, et de culture d’entreprise. Dans cette même logique, ils proposent aussi des ateliers mécaniques participatifs, pour apprendre à entretenir son vélo, savoir le réparer soi-même, et gagner en autonomie. Ces moments créent du lien, décomplexent la technique, et renforcent la confiance dans une mobilité douce et durable.
Aujourd’hui, entre innovation territoriale, coopération humaine, engagement écologique et inclusion sociale, Les Petits Guidons pédale avec une conviction forte : celle que changer nos façons de bouger, c’est déjà transformer nos manières de vivre.
Initiative Mayenne, pour vous, c’est… ?
Vincent Rabut : “Pour moi, c’est bien plus qu’un coup de pouce financier. C’est un réseau dynamique, composé de personnes qui, comme moi, ont envie de créer du lien, de construire des relations durables et de faire avancer les projets sur leur territoire. Dès que je peux, je participe aux rencontres, aux temps d’échange”
Quel a été votre premier contact avec Initiative Mayenne ?
Vincent Rabut : “J’ai découvert le réseau grâce à mon conseiller à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat (CMA). Il m’a parlé d’un atelier auquel j’ai tout de suite participé. Ensuite, tout s’est enchaîné très vite : nous avons préparé le dossier, présenté le projet en comité d’agrément, obtenu un prêt d’honneur, et surtout, nous avons bénéficié d’un accompagnement d’un an avec un parrain. Ce suivi a vraiment compté dans notre lancement.”
Quels sont vos enjeux de demain ?
Vincent Rabut : “Notre enjeu, c’est de continuer à nous développer, tout en restant fidèles à notre approche humaine et de proximité. On souhaite compléter notre offre, pour qu’elle soit vraiment globale : aussi bien pour les particuliers, les cyclistes du halage, que pour les entreprises. L’idée, c’est de proposer des solutions adaptées à tous les publics, quels que soient leurs usages ou leurs besoins. Rendre le vélo accessible et pratique pour tout le monde, c’est ce qui nous guide au quotidien.”
Quel conseil donneriez-vous à un entrepreneur qui se lance ?
Vincent Rabut : “Je pense qu’il faut vraiment se lancer dans quelque chose en laquelle on croit profondément. Parce que quand on donne du temps, de l’énergie, et qu’on met du sens dans ce qu’on fait, c’est ça qui nous permet de tenir dans les moments plus difficiles. Tout n’est pas simple, tout n’est pas rose… Mais le sens, c’est le fil conducteur, celui qui redonne de l’élan quand ça secoue. Alors je dirais : croyez en votre projet, mais surtout, assurez-vous qu’il fait écho à ce qui vous anime profondément.”
Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?
Vincent Rabut : “Je dirais un mélange de gratitude et de confiance. Gratitude pour le chemin parcouru, pour les rencontres, les soutiens, et pour cette chance de pouvoir exercer un métier qui a du sens pour nous. Et confiance, parce qu’on sent que le projet prend sa place, grandit à son rythme, et répond à un vrai besoin. On continue d’apprendre chaque jour, on ajuste, on affine… mais avec la certitude d’être à la bonne place, et ça, c’est une vraie force.”
Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?
Vincent Rabut : “Je dirais combatif et enthousiaste. On sent que les choses bougent : on commence à être reconnus, des entreprises ou des collectivités nous appellent directement, les mentalités évoluent, et de plus en plus d’acteurs deviennent proactifs sur les questions de mobilité douce.
Mais le contexte économique incertain peut aussi pousser certains à appuyer sur le frein, par prudence ou par priorité budgétaire. Dans ce cadre, on reste agile, prêt à adapter nos propositions, à construire des solutions sur-mesure pour répondre au plus juste aux besoins des territoires et des structures.
Quels sont vos enjeux de demain ?
Il reste un vrai enjeu autour des infrastructures, notamment le développement des pistes cyclables sécurisées, sans lesquelles la transition vers une mobilité durable restera freinée. On continue donc à avancer, à faire notre part, avec lucidité, mais sans jamais perdre notre élan.”
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Lieu : 52 Chem. du Halage, 53240 Saint-Jean-sur-Mayenne Téléphone : 06 56 66 57 32 Facebook |